lundi 7 mai 2018

Arsène Blanc




Depuis quelques temps, il exprime des intérieurs. 
Il dessine des pièces. Il représente leurs murs, leurs portes, leurs fenêtres, des couloirs, des escaliers, s’attarde aux meubles, mobilier, peintures et papiers peints, aux « décorations », aux objets, aux tableaux, aux bibelots, aux éléments qui habitent ces lieux.
Il se dit parfois qu’il les présente seulement, car c’est la première fois qu’il les fait visiter, qu’il laisse quelqu’un y pénétrer, s’y introduire.

Quand il y réfléchit, il trouve cela étrange, absurde… 

Eh ça y est ! Il perçoit bien qu’un « je » est là, qu’il est apparu dans cet intérieur. Il voit cette idée, cette question d’extrait poindre… 
Poindre ou pointer ?

Selon le dictionnaire, poindre signifierait piquer ; provoquer une souffrance physique aigüe ; blesser violemment, provoquer une souffrance morale aigüe ; apparaître sous forme de pointe, apparaître, se faire jour. Pointer serait, selon qu’il soit transitif ou intransitif,  donner des coups de pointe d’une arme blanche ; planter, enfoncer dans ; marquer d’un point ; soumettre à un contrôle ; faire saillie, avancer en pointe ; monter en flèche ; (se) dresser ; (se) diriger vers ; désigner ; orienter vers.

Les deux conviendraient. Pointer irait peut-être mieux avec l’idée d’une construction. Poindre évoquerait un dévoilement.


***


Il voudrait s’extraire, s’effacer de son imaginaire, de ses images. 
Comment faire qu’il n’y ait qu’un jeu, juste, « simplement » une fiction ? Comment écrire, décrire une construction complètement étrangère à lui, autre que lui ?

Du fait qu’il inscrive « il », il voudrait, souhaiterait son absence. Il se dit aussi que peut-être en passant au « elle », ce serait plus flagrant… mais peut-être trop. Un neutre serait mieux. Mais il n’en existe pas (en français ; devrait-il changer de langue ?). 
Pourquoi pas un « on », « on » est assez neutre et même indéterminé en nombre. Mais « on » semble porter une inclusion possible…

Il reste donc au « il »
Mais dès lors qu’il écrit, dit « il », il pose un regard, son regard, et donc sa présence.
Il faudrait donc peut-être passer par un « je » fictif, un je-construction,  je-composition, la prise d’un rôle, pour pouvoir s’absenter, mieux disparaître. Par le « je » imaginaire, l’être créé est un « autre » sous l’apparence, les traits de soi. Un autre, avec quelque chose de soi, un double, un mélange, un hybride. Un « je » construit à partir du « je » réel, inventeur, et d’un « autre » imaginaire-imaginé ; un « je » voulu, désiré, construit, modelé, composé, réfléchi, adéquat, joué, activé.


Pourtant, pour le lecteur, ce « je » semble contenir une ambiguïté qui impliquerait plus l’auteur qu’un « il »


***



Arsène Blanc écrit presque toujours à la troisième personne. Il écrit sous un pseudonyme ; Arsène n’est pas son prénom, ni Cléo, Cassandre, Élie, Bela, Lysandre ou Louison. Arsène Blanc n'existe pas.
 (vraiment)



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